Les succès enregistrés sur le front par l'État islamique, anciennement État islamique en Irak et en Syrie (EIIS), pourraient se traduire en véritable compétition avec Al-Qaïda concernant la fidélisation des recrues djihadistes.
Ces succès ont inquiété les experts du renseignement. Al-Qaïda et l'État islamique sont désormais engagés dans une lutte pour devenir la « première organisation terroriste », a déclaré dimanche Mike Rogers, président du House Intelligence Committee.
Dans l'émission « Face the Nation » de la chaîne CBS, Rogers a déclaré : « Avant le 11-Septembre, il existait contre les États-Unis des courants d'un niveau de menace similaire. Assez sérieux donc. Comme chacun le sait ils sont entrés et ont dirigé les attentats du 11-Septembre. À présent, on est face à une multiplicité d'organisations, toutes du type d'Al-Qaïda, qui tentent de faire la même chose. »
L'État islamique possède des avantages tactiques par rapport à Al-Qaïda, qui a officiellement renié l'EIIS en février. Ces avantages comportent également au moins un milliard de dollars en métaux précieux, tanks, hélicoptères et armes lourdes ainsi que le contrôle d'une zone aussi grande que l'Indiana, a ajouté Rogers.
Rogers a également fait remarquer que l'État islamique percevait grâce aux ventes illicites de pétrole environ un million de dollars par jour. En outre, les terroristes de l'État islamique sont mieux entraînés que leurs actuels concurrents d'Al-Qaïda.
La capacité de l'État islamique à concurrencer Al-Qaïda dans l'engagement de nouvelles recrues, avec l'espoir de devenir la première organisation terroriste du monde, provient en grande partie de la propagande agressive qu'il mène sur les réseaux sociaux. Chaque jour, ses partisans font la promotion virtuelle de leurs victoires sur Twitter.
Des vidéos et des images montrant les violences perpétrées par les combattants de l'État islamique racontent aux recrues potentielles que, si elles rejoignent le djihad, elles combattront pour mettre fin aux divisions entre les musulmans et reprendre les gloires perdues que sont Jérusalem et Al-Andalus (l'Espagne). La décapitation du reporter américain James Wright Foley ainsi que la menace de tuer le journaliste Steven Joel Sotloff en représailles aux bombardements américains, vont sans aucun doute renforcer l'aura de l'organisation auprès des djihadistes les plus farouches.
À présent, certaines sources indiquent que l'État islamique a recruté 6.300 hommes en Syrie au cours du mois de juillet – dont environ un millier de combattants étrangers. Selon les premières estimations, le groupe terroriste comptait un total de 15.000 membres. L'intensification du recrutement a suivi les succès de l'État islamique en Irak où l'organisation s'est emparée d'un stock important d'armes américaines.
Tout semble indiquer que l'État islamique veut s'étendre au-delà de l'Irak et de la Syrie et de prendre une envergure planétaire qui le ferait rivaliser avec Al-Qaïda.
En Indonésie, des milliers de djihadistes ont fait serment d'allégeance au dirigeant de l'État islamique, Abou Bakr Al-Baghdadi, après une campagne agressive de recrutement menée par l'organisation dans les 16 provinces de l'archipel. À Aceh, province située dans l'ouest du pays, on a pu observer une infiltration massive de terroristes partisans de l'État islamique.
Un homme identifié comme étant Abu Jundullah, et qui serait le chef du mouvement islamiste à Aceh, a déclaré que son organisation s'était placée sous l'autorité directe d'Al-Baghdadi. Abu Jundullah a également précisé que son mouvement ne déclare pas être la branche indonésienne de l'État islamique.
L'État islamique publie un magazine djihadiste, Al-Mustaqbal, qui a été diffusé dans la province indonésienne de Java. Cette publication est semblable au magazine Inspire diffusé par Al-Qaïda dans la péninsule Arabique. Les dirigeants indonésiens et de la Malaisie voisine sont particulièrement inquiets. Ces sept derniers mois, la Malaisie a arrêté 19 suspects ayant des liens avec l'État islamique. Ces derniers ont dit à la police qu'ils avaient projeté de s'attaquer au gouvernement malaisien, aux nightclubs et aux bars de Kuala Lumpur ainsi qu'à une brasserie Carlsberg située à Petaling Jaya.
Une série de descentes de police effectuées dans la province indonésienne du Java oriental a conduit à d'autres arrestations de terroristes de l'État islamique et à la saisie d'armes, de drapeaux de l'État islamique et d'écrits faisant l'apologie du djihad.
Dans les îles voisines des Philippines, des djihadistes ont également manifesté leur soutien à l'État islamique. Ces dernières semaines, ce sont des djihadistes d'Abou Sayyaf aux Philippines, suspectés d'avoir des liens avec Al-Qaïda, qui ont fait allégeance à Baghdadi. Un porte-parole du groupuscule des Combattants islamiques pour la liberté de Bangsamoro (en anglais, BIFF) a déclaré à l'Agence France Presse que son organisation était alliée avec Baghdadi et l'État islamique.
En Espagne, des djihadistes de la mouvance de l'État islamique ont manifesté leur désir de faire revenir l'Espagne à son passé islamique. En juin, l'un d'eux a publié sur Twitter une photo du drapeau noir de l'État islamique face au palais médiéval de l'Aljaferia à Saragosse avec l'inscription « Nous reviendrons pour toi #Andalousie. Soutien en #Espagne. »
Jeudi, les autorités espagnoles et marocaines ont arrêté neuf hommes suspectés de recruter des djihadistes au bénéfice de l'État islamique.
« Le réseau qui a été démantelé était actif dans le recrutement, le soutien financier et l'envoi de djihadistes au profit de l'organisation terroriste État islamique », selon la déclaration du ministre espagnol de l'Intérieur.
En Jordanie, un groupe salafiste portant le nom de « Fils de l'appel au Tawhid et au Djihad » a proclamé sa loyauté envers Baghdadi. Cet organisme, qui compte 6000 membres, pourrait devenir la cinquième colonne de l'État islamique en Jordanie. Les inquiétudes se multiplient dans ce pays qui pourrait devenir la prochaine victime de l'État islamique. Une vidéo apparue en juillet et montrant des salafistes dans la province de Zarqa en train de proclamer leur loyauté envers Baghdadi n'a fait qu'ajouter au malaise.
Au début de ce mois, le politologue et ancien ministre jordanien, Taher Al-Adwan écrivait : « Nous devrions toujours nous rappeler que l'État islamique est présent sur notre flanc oriental (dans la province irakienne de Anbar) et grandit dans l'est et le sud de la Syrie. »
Al-Adwan a également appelé les autorités jordaniennes à accorder plus d'attention au renforcement du front interne contre une possible incursion de l'État islamique. Les autorités jordaniennes font face à une recrudescence d'appel de ses citoyens à agir contre les djihadistes pour s'assurer que l'État islamique ne pose ne fut-ce qu'un seul pied dans le royaume.
Malgré ces avancées de l'État islamique, la plupart des dirigeants d'Al-Qaïda se sont montrés peu enclins à rompre avec Ayman Al-Zawahiri et à reconnaître Al-Baghdadi comme calife. Les prétentions d'Al-Baghdadi ont été accueillies avec mépris par les dirigeants de nombreux franchisés d'Al-Qaïda. Abu Qatada, un religieux lié à Al-Qaïda en Jordanie, a accusé Al-Baghdadi de « déviation » et a émis une fatwa déclarant « nulle et non avenue » la proclamation du califat.
Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) a coupé court au soutien à Al-Baghdadi en tant que calife mais cela ne l'a pas empêché de faire l'éloge de l'État islamique. La semaine dernière, l'AQPA a appelé à combattre les États-Unis et s'est déclaré solidaire avec l'État islamique face aux frappes aériennes américaines en Irak.
Le mois dernier, c'est le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, qui a déclaré de vive voix son soutien à Al-Baghdadi peu après la proclamation du rétablissement du califat.