L'Europe a un gros problème.
Au moment où l'Amérique et ses alliés européens débutent leur guerre contre l'EIIL et son État islamique autoproclamé en Syrie et en Irak, les musulmans européens sont de plus en plus nombreux à manifester leur soutien aux groupes terroristes islamistes et à leur djihad. Avec l'augmentation du nombre de musulmans faisant route vers la Syrie pour rejoindre l'EIIL ou le Front Al-Nosra (la branche syrienne d'Al-Qaïda), ceux qui restent en retrait, dans des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas, travaillent à présent à la collecte des fonds destinés à soutenir leurs familles et à défendre d'autres musulmans européens accusés d'y avoir préparé des attaques terroristes.
En réalité, selon le Wall Street Journal, « l'Europe devient une terre de plus en plus fertile pour le recrutement de djihadistes qui veulent rejoindre (en Syrie et l'Irak) des organisations terroristes comme l'État islamique. » Jusqu'à présent, on estime le nombre d'Européens qui ont déjà rejoint le djihad en Syrie entre 2500 et 3000, dont les plus gros contingents, proportionnellement au nombre d'habitants, proviennent de Belgique et de France.
Toutefois, selon un article publié récemment dans le quotidien néerlandais Trouw, d'autres travaillent pour le djihad de différentes manières, principalement en activités de financement. Ainsi aux Pays-Bas, de nombreux membres de la communauté musulmane organisent des collectes d'argent, de nourriture et d'autres biens de première nécessité pour les épouses et les enfants des djihadistes. Perdiep Ramesar, qui signe l'article de Trouw, rapporte que, selon les djihadistes, « les familles ont besoin d'aide car leurs allocations sociales ne leur sont plus versées, leurs avoirs ont été gelés et les frais de justice sont trop élevés. »
Financer le djihad ou prendre soin des familles des djihadistes ne sont pas vraiment une nouveauté. Il existe en effet un hadith qui le recommande :
« D'après Zayd ibn Khâlid al-Juhanî, l'Envoyé d'Allah (paix et bénédiction d'Allah sur lui) a dit : Celui qui équipe efficacement un guerrier dans le sentier d'Allah est lui-même en expédition dans le sentier d'Allah et celui qui subvient aux besoins de la famille du guerrier est également en expédition et en reçoit la même récompense. »
Ce précepte a été invoqué aux États-Unis il y a 23 ans lors de l'Intifada des Palestiniens. Fawaz Damra, un imam de Cleveland qui a depuis été expulsé, récoltait pour le Djihad islamique palestinien de l'argent qu'il faisait transiter par une œuvre de bienfaisance appelée Islamic Committee for Palestine. Donner de l'argent, lançait-il à l'assistance, était aussi louable que prendre part au combat.
Allah dit, Son Envoyé, que la bénédiction et la paix d'Allah soient sur lui, dit : « Celui qui équipe un guerrier au nom d'Allah, est lui-même en expédition. » Celui qui fait un don pour un mudjahid de manière à ce qu'il puisse combattre, c'est comme s'il était lui-même en train de combattre pour la Guerre sainte et il sera récompensé comme lui, même s'il reste chez lui. « Celui qui équipe un guerrier au nom d'Allah, est lui-même en expédition. » Voilà le Mouvement du Djihad islamique. Je vous dis de donner pour que cet argent vous soit utile auprès d'Allah.
Aux Pays-Bas et en Belgique, les dons récoltés à travers les médias sociaux sont exclusivement destinés aux personnes suspectées de terrorisme, selon Ramesar qui pointe les campagnes de dons organisées sur Twitter et Facebook aux Pays-Bas et en Belgique comme « Free Aseer » et « Project A ».
Au début de cette année, les autorités néerlandaises ont décidé de supprimer les allocations sociales à ceux qui étaient déjà partis pour la Syrie ainsi qu'à certaines personnes arrêtées pour avoir projeté de partir. Les musulmans radicaux condamnés pour activités terroristes ont également vu leurs avoirs gelés ou saisis. Souvent, les épouses de ces djihadistes ne peuvent subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, soit parce qu'elles doivent rester à la maison pour s'occuper de plus jeunes d'entre eux, soit – cas le plus fréquent – parce que leurs conceptions extrémistes les empêchent de travailler.
Parmi ceux qui reçoivent une aide, on trouve Mohammed Bouyeri, condamné pour l'assassinat du cinéaste néerlandais Theo Van Gogh ; Samir Azzuz, membre avec Bouyeri du groupe extrémiste néerlandais Hofstad, qui a purgé une peine de huit ans pour avoir été soupçonné de préparer des attaques terroristes aux Pays-Bas, et dont les avoirs restent gelés malgré sa libération ; Umm Haneefa, une Belge accusée d'avoir « participé aux activités d'une organisation terroriste » ; et le leader de Sharia4Belgium Fouad Belkacem, actuellement traduit en justice à Anvers avec 44 autres membres de Sharia4Belgium accusés de terrorisme.
La quantité d'argent récoltée à ce jour est indéterminée, écrit Ramesar, même si « certaines sources proches » de plusieurs familles ont confirmé avoir reçu une aide financière à travers ces campagnes.
Mais en fin de compte, la quantité est une question secondaire. Ce qui importe, c'est ce que révèle le succès de ces collectes de dons : une communauté musulmane européenne qui soutenant de plus en plus les islamistes radicaux et les mouvements en faveur de la charia, et souscrivant pleinement au djihad. C'est une sorte de mouvement djihadiste silencieux, une forme de terrorisme qui se développe à l'abri des contrôles et en dépit des lois.
En outre, cela démontre l'urgence du problème auquel nous sommes désormais confrontés en Occident. Car nous avons été bien trop lents à reconnaître la menace représentée par l'EIIL en Syrie et en Irak. À présent, l'Europe et l'Amérique ne peuvent plus se permettre de sous-estimer cette menace insidieuse qui grandit ici, chez nous.
Abigail R. Esman, est rédactrice indépendante et vit à New York et aux Pays-Bas. Elle est l'auteur de l'ouvrage Radical State : How Jihad is Winning Over Democracy in the West [L'État radical ou comment le djihad est en train de vaincre la démocratie occidentale] publié chez Praeger en 2010.