L'épilogue violent de la prise d'otage terroriste en Australie était inévitable. Le terroriste Man Haron Monis a été tué lors de la prise d'assaut du café par l'équipe d'intervention de la police de Sydney. Deux otages ont également été tués mais la police de Sydney n'avait pas d'autre choix que d'agir. Après un siège de près de 17 heures, la police avait de bonnes raisons de croire que le « cheikh » autoproclamé Haron Monis allait mettre à exécution sa menace de faire exploser les bombes qu'il disait avoir, même si ses demandes étaient satisfaites.
Pratiquement durant tout ce temps, un contact a été maintenu entre un négociateur de la police et le terroriste preneur d'otages. Mais alors que 10 personnes étaient toujours retenues, on craignait que le terroriste se transforme en kamikaze et tue toutes les personnes présentes dans le café. À présent, la police de Sydney cherche à reconstituer le fil des événements mais ce qui est certain, c'est qu'elle a sauvé la vie d'un certain nombre d'otages.
En dépit des affirmations ridicules de certains commentateurs disant que les « motivations » de l'auteur ne sont pas connues, on ne devrait pas douter du fait qu'il s'agit bel et bien d'un acte terroriste islamiste. On va pourtant nous servir toutes sortes « d'explications » nous disant que, comme le montre son casier judiciaire chargé de plusieurs condamnations pour agression sexuelle et meurtre, il ne s'agissait pas vraiment d'un terroriste islamiste mais plutôt d'une personne à l'équilibre mental fragile. On pourrait toutefois en dire autant de tous les terroristes. Après tout, comment quelqu'un de sensé pourrait-il vouloir tuer des civils innocents en raison de leurs croyances ?
C'est pourtant ce que font les terroristes islamistes. Et le fait de nier leur motivation islamiste radicale – comme l'a fait le gouvernement américain à plusieurs reprises en refusant de désigner comme tels certains attentats terroristes islamistes notamment le massacre perpétré par le major Nidal Hassan – est le meilleur moyen de voir de tels actes se reproduire, particulièrement de la part de ces terroristes décrits comme des loups solitaires. La police australienne est en train d'enquêter pour savoir si Monis agissait seul ou de concert avec d'autres extrémistes islamistes, voire sur ordre de l'EIIL.
Le mois dernier, Monis a renié sa foi chiite pour faire allégeance à l'EIIL dans un message posté en ligne et retiré depuis. Notre organisation, l'Investigative Project on Terrorism, a retrouvé la page en question et l'a traduite. Voici ce que Monis écrivait :
« Serment d'allégeance du Cheikh Haron [à l'EIIL] »
« Allégeance à Allah, à Son Messager et au Commandeur des Croyants – Je fais serment d'allégeance à Allah, à Son Messager et au Calife des Musulmans »
« Louange à Allah et que la prière et la paix soient sur notre Prophète Muhammad, sa famille et tous ses compagnons, ainsi que sur tous ceux qui le suivent. Que la paix soit sur le Commandeur des Croyants, le Calife des Musulmans, l'Imam de notre temps, et que la louange soit à Allah qui nous a donné un Calife sur terre et un imam qui nous appelle à l'Islam et tient fermement le câble d'Allah Tout-Puissant. Louange à Allah grâce à qui j'ai eu l'honneur de faire allégeance à l'Imam de notre temps. Ceux qui font serment d'allégeance au Calife des Musulmans font allégeance à Allah et à Son Messager… »
Son site Internet contient également des harangues contre le gouvernement australien pour son implication en Irak et en Afghanistan.
Le renseignement australien était au courant des agissements de Monis depuis un certain temps et disposait sur lui d'un dossier détaillé sur les activités islamistes radicales qu'il avait eues en Australie et sur la surveillance électronique de ses communications avec des terroristes islamistes à l'étranger.
L'attentat terroriste de Sydney est certainement à mettre en lien avec les appels lancés par les islamistes radicaux à commettre individuellement des attentats terroristes partout en Occident. Ces appels ont pris de l'ampleur avec le magazine Inspire, édité par Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA) que dirigeait Anwar Al-Awlaki jusqu'à ce qu'il se fasse tuer par un drone américain. En appelant les musulmans vivant en Occident à commettre des attentats terroristes isolés, l'EIIL a copié le modèle d'AQPA appelant à commettre des attentats localement n'importe où et n'importe quand. Désormais, ces attentats se produisent partout dans le monde et sont particulièrement bien alimentés par Internet et plus encore par les réseaux sociaux qui ont virtuellement transmis le message du terrorisme islamiste à la vitesse de l'éclair. Rien que pour ces deux dernières années, il y a eu en Europe et aux États-Unis plus de 100 tentatives – réussies ou manquées – d'attentats terroristes islamistes inspirés par l'EIIL. Que ce soit la Belgique, la France ou encore Oklahoma City, aucun endroit n'est préservé du terrorisme islamiste, que celui-ci soit le fait de vétérans de l'EIIL rentrés au pays ou simplement de ces musulmans radicalisés vivant en Occident et qui sont incités à perpétrer des attentats.
Par ailleurs, les dirigeants occidentaux commettent une erreur fatale en faisant une distinction entre l'EIIL et d'autres groupes terroristes islamistes tels que le Hamas, le Hezbollah, Boko Haram ou encore Al-Shabaab. Les motivations qui sous-tendent l'action de ces groupes terroristes islamistes sont les mêmes que celles de l'EIIL, à savoir tuer autant d'ennemis infidèles que possible et imposer la suprématie de l'Islam. La seule différence tient au fait que l'EIIL a proclamé sa prétention au califat mondial alors que les autres groupes ont pour ambition d'être des califats régionaux. Cependant l'EIIL et les autres groupes ne diffèrent en rien quant à leur programme et leurs méthodes génocidaires. Et si le Hamas n'a pas réussi – contrairement à l'EIIL – à tuer ses ennemis infidèles, c'est uniquement parce qu'Israël a été capable d'empêcher le Hamas de commettre des meurtres de masse, même si ce dernier s'y est employé l'été dernier lorsqu'il a lancé plus de 6000 roquettes et missiles sur Israël dans le but de tuer un maximum de civils. Quant au Nigéria, il n'a pas été en mesure de mettre fin à ces horribles attentats que Boko Haram est parvenu à commettre et dans lesquels plus de 300 Nigérians ont été massacrés, durant la seule année écoulée.
Manifestement ce sont les services de renseignement australiens qui ont pu le mieux gérer la menace interne représentée par les extrémistes musulmans. Pour preuve, les tentatives de complots déjouées avec succès l'année dernière et qui comprenaient notamment des décapitations de civils australiens et des attentats à la bombe contre des cibles australiennes, autant de projets qui se tramaient au sein de réunions d'extrémistes. Le drame d'aujourd'hui montre par contre la difficulté d'empêcher des attentats commis par des loups solitaires. Ce à quoi nous assistons actuellement n'est pas le réveil de l'islam radical mais seulement un prolongement de ce réveil déclenché par les attentats du 11-Septembre. La différence réside dans le fait que la phase actuelle n'est pas dirigée par des organisations centralisées. Le terrorisme islamiste se développe désormais de façon décentralisée. Cette situation pose de nouveaux défis aux services de renseignement occidentaux et crée une pression extraordinaire pour l'élaboration de nouvelles méthodes de surveillance des menaces internes qui représentent également un défi technique puisqu'il s'agit de contrôler les métadonnées de réseaux sociaux. Cependant, le plus dangereux et le plus contreproductif serait de nier ce que sont ces attentats, à savoir des attentats terroristes islamistes.
Steven Emerson est le directeur exécutif de l'Investigative Project on Terrorism et le producteur exécutif d'un nouveau documentaire sur les Frères Musulmans en Amérique, intitulé « Jihad in America : the Grand Deception » [Le Djihad en Amérique : la grande imposture].