Cela n'aura pas duré longtemps.
Moins d'un mois après le massacre contre Charlie Hebdo et le meurtre de quatre juifs dans un hypermarché casher de Paris, l'État islamique (IS) a envoyé un nouveau message d'avertissement adressé cette fois à la Belgique. Dans une lettre écrite au quotidien belge Het Laatste Nieuws (HLN), l'EI affirme que « cela ne fait que commencer ».
Cette lettre, reçue par la rédaction du journal le 4 février, renvoie également à une série d'attentats commis en France avant les massacres de Paris : « Ce qui s'est passé en France va se répéter en Belgique » indique dans un français parfait la lettre dactylographiée qui ajoute « L'EI va conquérir l'Europe depuis la Belgique ».
Selon HLN, les responsables de la lutte antiterroriste prennent cette lettre au sérieux et croient qu'il s'agit là de l'œuvre d'un djihadiste de l'EI. En outre, ils affirment que l'auteur de la lettre est au courant des événements actuels en Belgique, jusque dans les moindres détails (le texte intégral de la lettre n'a pas été publié).
Le même jour, on apprenait aux Pays-Bas la nouvelle de la mort du djihadiste néerlandais Abu Hanief. Celui-ci venait de se faire exploser à Falloujah, devenant ainsi le quatrième musulman néerlandais à commettre un attentat suicide en Syrie ou en Irak. Âgé de 32 ans, Hanief figurait parmi les meneurs des manifestations pro-État islamique l'été dernier à La Haye durant lesquelles des manifestants ont souhaité la mort aux juifs. Bien qu'arrêté pour incitation à la haine, il a été relâché rapidement. Et bien évidemment, en dépit des efforts du gouvernement pour confisquer ou annuler les passeports de musulmans néerlandais soupçonnés ou sur le point d'aller faire le djihad en Syrie, il s'est échappé peu après en toute discrétion.
Voilà où en est l'Europe aujourd'hui : tiraillée entre d'une part un antisémitisme qui atteint des sommets en France et en Grande-Bretagne et d'autre part des organisations musulmanes qui réclament la mise en place de politiques « anti-islamophobes » et de boycotts contre Israël. Et ce, alors que depuis les attentats terroristes de Paris commis entre les 7 et 9 janvier, les autorités de Wolfsburg, en Allemagne, enquêtent sur une cellule djihadiste liée à l'EI et comptant pas moins de 50 membres, la plupart vivant en Allemagne, et que la police belge a arrêté 15 personnes dans la petite ville de Verviers (56.000 habitants) et plusieurs autres à travers le pays.
On ne s'étonnera pas de voir des musulmans qualifiés de « modérés » refuser désormais de prendre leurs distances par rapport aux actes des terroristes musulmans – y compris les atrocités commises par l'État islamique. On notera le cas de Shabir Burhani, un musulman pratiquant d'une vingtaine d'années, étudiant à l'Université néerlandaise de Leyde, qui déclare : « Nous devons accepter l'islam dans son intégralité et ne pas essayer de l'adapter au gré des époques. La Charia en est une partie intégrante, tout comme le djihad et l'État islamique. » Toutefois Burhani, qui fut le porte-parole de l'organisation Sharia4Holland aujourd'hui dissoute, a déclaré au quotidien néerlandais Trouw qu'il ne considère pas l'État islamique comme un idéal. Ce ne sont pas les meurtres en eux-mêmes qu'il dit rejeter mais bien « la façon dont l'État islamique s'y prend car le fait de les montrer au monde peut se révéler contreproductif. Est-ce que cela sert vraiment l'Islam ? »
Et Burhani n'est pas le seul : dans un forum qui s'est tenu le 16 janvier à Amsterdam, des associations musulmanes ont présenté un manifeste contre l'islamophobie. Publié quelques jours seulement après le massacre de quatre juifs à Paris et six mois après l'exécution de quatre autres juifs à Bruxelles, le document commence par décrire l'antisémitisme aux Pays-Bas – là même où Hanief appelait des centaines d'autres à chanter « Tuez les juifs » – comme un phénomène « bénin » alors que « l'islamophobie ne l'est pas du tout. »
Et quels sont les symptômes de cette « islamophobie » ?
Certains sont des préoccupations légitimes : les jeunes musulmans sont confrontés à des discriminations à l'embauche. Des familles reçoivent des courriers haineux de la part de leurs voisins.
Et quoi d'autre ?
Les gens demandent que les musulmans des Pays-Bas prennent leurs distances par rapport au terrorisme islamiste.
Apparemment cela revient, selon Burhani, à de l'anti-islam.
À présent, la France débat de l'avenir de cette laïcité qui lui est si chère et de l'avenir de celle-ci dans une démocratie qui abrite désormais des millions de musulmans pratiquants dont la religion contredit les idéaux laïcs. Beaucoup pensent apparemment que la démocratie exige la possibilité pour les croyants de pratiquer leurs croyances – toutes les croyances, dans toutes les religions, exigées par leur foi. Cela pourrait suggérer que c'est la laïcité qui est « islamophobe ».
Or si certains croyants exigent que leur croyance domine toutes les autres, y compris au moyen de l'épée, que peut-on faire ? Si Burhani a raison et si les djihadistes et l'EI mettent tout simplement leur religion en pratique, une société démocratique peut-elle légitimement les en empêcher ?
Oui, on le peut et même on le doit. Après tout, la laïcité, pas plus que la démocratie, n'empêche pas les croyants de pratiquer leur foi dans la sphère privée. Ce que nous devons faire, c'est ne pas laisser aux musulmans radicaux et djihadistes l'occasion d'avoir raison de nos belles valeurs démocratiques par le fait que nous avons nous-mêmes détruit celles-ci aveuglément.