Récemment, le président Obama a déclaré que l'accord conclu avec l'Iran ne prévoyait pas pour ce dernier l'obligation de reconnaître Israël. Cela n'a pas surpris les Israéliens, dont un grand nombre ressent les tentatives du président américain d'apaiser les craintes israéliennes comme autant de sujets d'inquiétude. En tant que président des États-Unis, Obama est tenu d'assurer en premier lieu le bien de son pays mais cela n'aurait pas été déplacé pour lui d'exiger que l'Iran s'engage publiquement à ne pas détruire Israël, l'un des alliés les plus proches de l'Amérique.
De toute évidence, Obama est conscient des préoccupations israéliennes quand il promet que les États-Unis « seront là » pour Israël. Mais qu'entend-il par « là » ? Quand viendra le moment où l'Iran détiendra la bombe, que vaudront ses promesses et qui se chargera de les respecter ? Par ailleurs, cet accord, truffé de contradictions, d'accusations, de mensonges et de supercheries de part et d'autre, inclut toujours l'existence des centrifugeuses, des missiles de longue portée, des yellowcakes d'uranium, des installations de production d'eau lourde et des bunkers souterrains. On peut dès lors penser que l'Iran continuera à développer son arsenal militaire et nucléaire sans donner le moindre signe de retrait par rapport à son plan de destruction d'Israël.
Au Congrès américain, les deux grands partis tentent à titre exceptionnel de se rabibocher en vue d'obtenir une majorité pour rejeter ce curieux accord, voire passer outre un éventuel veto présidentiel. Alors qu'Obama s'entête à se leurrer et à leurrer les autres, nombreux sont ceux qui prennent les mises en garde d'Israël au sérieux par rapport au danger que constituerait une puissance nucléaire iranienne. Dans le même temps, au grand dam du gouvernement américain, le Congrès propose des mesures de supervision et de restauration des sanctions contre l'Iran et, de la sorte, se libère de la camisole qu'Obama veut lui faire porter.
Jusqu'à présent, ces démarches consistent en la définition d'un calendrier d'inspection destiné à s'assurer que l'Iran remplit les critères minimums, condition préalable à la confirmation de l'accord et à la possibilité de requalifier ce dernier en « convention » moins contraignante. Aussi louables soient-elles, ces démarches ne prennent en considération ni la capacité des ayatollahs et de leurs agents à manipuler, dissimuler et déformer ni leur patience infinie pour trouver des moyens de duper les malheureux inspecteurs qui vont errer en Iran comme des brebis égarées.
La promesse d'Obama d'être « là » si Israël se fait attaquer a-t-elle des implications pratiques ? S'il y a un point sur lequel l'ensemble du Moyen-Orient – l'Iran, les Arabes et les Israéliens – est d'accord, c'est bien le scepticisme le plus prononcé par rapport à la volonté de l'administration Obama d'intervenir dans les crises régionales. Au vu des dommages causés à l'économie américaine et des pertes subies en Irak et en Afghanistan, il est généralement admis que, dans un avenir proche, Obama ne se lancera pas tête baissée dans un conflit militaire au Moyen-Orient. La violence et le terrorisme dont ses nouveaux partenaires iraniens ont fait preuve au Moyen-Orient sans que cela suscite une réponse digne de ce nom de la part de l'Amérique, indiquent qu'Obama s'est mis en retrait.
Si Obama a hérité d'une série d'échecs américains tels que la bombe nucléaire nord-coréenne et le renversement du chah d'Iran, il a lui aussi une série d'erreurs à son actif : il a échoué en ne parvenant pas à comprendre l'essence de l'islamisme et en fantasmant à propos d'un islam « modéré ». En 2009, il a prononcé un discours catastrophique au Caire qui a fait de lui la risée du Moyen-Orient. Il a échoué en Irak où les Américains et les Iraniens soutiennent les milices chiites alors que celles-ci massacrent des sunnites. Ses mesures contre l'EIIL et les autres islamistes renforcent indirectement l'Iran, le Hezbollah ainsi que le régime d'Assad et ses alliés russes.
En Syrie, Obama n'a réussi à arrêter ni les massacres, ni l'utilisation d'armes chimiques par le régime d'Assad. En Égypte, il a échoué, après avoir renversé Moubarak, en remplaçant ce dernier par le Frère Musulman Mohammed Morsi et, ensuite, en ne soutenant pas Sisi, plus modéré, qui a pris le contrôle du pays. En Turquie, il a échoué en ne comprenant pas qu'Erdogan est un dictateur islamiste qui nourrit des ambitions impérialistes et soutient le Hamas et l'EIIL. En Ukraine, il a échoué en n'arrêtant pas Poutine et, au Moyen-Orient, en ne soutenant pas ses alliés arabes, tant au Yémen que dans d'autres crises régionales, et en ne respectant pas les critères qu'il avait lui-même établis pour traiter avec les Iraniens. En fin de compte, il est difficile de savoir si Obama se situe du côté d'alliés de longue date comme Israël et les États arabes modérés, ou du côté de l'Iran, cette force en puissance dont l'expansion se fera au détriment de ces derniers. Ses prises de décisions, dont certaines sont nuisibles aux intérêts américains, restent pour beaucoup une énigme.
Et voilà qu'il est à présent sur le point de commettre une erreur de plus en forçant Israël à établir un autre État terroriste palestinien en plus de celui qui prospère déjà dans la Bande de Gaza. Le résultat sera une reproduction du régime militaro-terroriste de la Bande qui menace l'Égypte ainsi qu'Israël, en Judée et en Samarie, où la plupart des Palestiniens soutiennent le Hamas. La conséquence sera que l'EIIL en profitera pour se répandre en Jordanie à partir de la Syrie et de l'Irak et de là, en Cisjordanie d'où il attaquera Israël. Pour le dire simplement, les Palestiniens seront menacés, Israël sera menacé et la Jordanie sera menacée.
Même les nombreuses contradictions du projet d'accord avec l'Iran indiquent que les installations nucléaires que conserve le pays lui permettront, dans les dix prochaines années, de fabriquer une bombe et, cette fois, avec la bénédiction des puissances occidentales. L'Iran a le doigt sur la gâchette, il ne lui reste plus qu'à tirer. Autrement dit, la question n'est plus de savoir si mais bien quand les Iraniens vont mettre au point une bombe nucléaire.
Pour l'administration Obama, le temps n'a pas d'importance. Tout ce qui compte, c'est de terminer le mandat avec quelque chose, n'importe quoi, qui puisse justifier le Prix Nobel de la Paix dont Obama fut le mystérieux lauréat. Pour Israël et les États arabes sunnites, les 10 ou 15 prochaines années données à l'Iran pour fabriquer ses bombes passeront à la vitesse de l'éclair. Le fait de reporter indéfiniment l'inéluctable jusqu'à ce qu'Obama quitte le Bureau ovale est typique de la politique du « après moi, le déluge » qui revient à abandonner le Moyen-Orient aux bonnes grâces de l'Iran ainsi qu'à la course aux armements nucléaires et au conflit.
Avec de telles perspectives, on conçoit mal l'euphorie dont débordent les articles d'opinion louant l'action d'Obama comme celle d'un virtuose du poker qui a fait remporter une victoire à l'Amérique en menant l'Iran vers la ligne d'arrivée des négociations. Les vainqueurs, qui n'étaient ni américains, ni arabes, ni israéliens mais bien iraniens, pourront se gausser en attendant d'avoir la bombe.
Lors du Seder de Pessah [NdT, le repas de la Pâque juive] organisé à la Maison Blanche, Obama a déclaré, en présentant ses vœux aux juifs du monde entier, que l'antique Exode du pays d'Égypte et les pérégrinations des Israélites vers la liberté signifiaient le choix de la « foi et non de la peur, du courage et non de la complaisance ». Cela nous rappelle, disait-il, « qu'il y a toujours une raison d'espérer ». Et d'évoquer ensuite, telle une rengaine, le mouvement des droits civiques.
Dans le cas de l'accord avec l'Iran, ce lyrisme humaniste est ridicule. Dans le récit biblique, c'est Pharaon qui fut vaincu et le peuple juif qui triompha. Au contraire, l'accord avec l'Iran donne aux ayatollahs iraniens, les pharaons d'aujourd'hui, une licence internationale pour fabriquer des bombes destinées à détruire le peuple juif. Par ailleurs, l'Exode se produisit seulement après que Pharaon eut négligé les premières plaies envoyées par Dieu à titre d'avertissement par rapport à ce qui arriverait s'il ne libérait pas le peuple juif et ne l'autorisait pas à rentrer dans sa patrie, Israël. La leçon à retenir de l'Exode se trouve dans la sage proposition de Netanyahou appelant à renforcer les sanctions contre l'Iran. Celles-ci constitueraient le point d'orgue d'une série d'avertissements qu'il convient d'envoyer à n'importe quelle entité maléfique et certainement à l'Iran. Par conséquent, comme il est écrit aussi bien dans l'Ancien Testament que dans la Haggadah de Pessah, ce n'est qu'après que Pharaon eut négligé les avertissements et refusé de libérer le peuple juif que Dieu envoya les dix plaies sur les Égyptiens, dont la mort de tous les premiers-nés d'Égypte.
Si Obama avait augmenté progressivement les sanctions contre l'Iran, le temps serait venu de tirer les leçons à propos de l'Égypte. Bibliquement parlant, ce n'est que si Khamenei avait le cœur endurci que des bombes puissantes seraient lancées contre Téhéran. Ce scénario demeure possible aujourd'hui encore. L'Exode du peuple juif vers la Terre promise n'était pas une affaire de concession, de crainte ou d'apaisement, contrairement à l'interprétation erronée d'Obama. Il s'agissait de l'acte d'une volonté résolue et intrépide en vertu duquel les Israélites ont châtié jusqu'au dernier tous ceux qui cherchaient à les tuer.
La vision tronquée d'Obama révèle l'étendue de son ignorance aussi bien de la véritable nature des Iraniens et de leur funeste détermination que, malheureusement, de la véritable histoire de ses alliés israéliens. L'administration Obama n'a toujours pas compris que les Iraniens ont l'intention de fabriquer une bombe nucléaire et de l'utiliser pour réaliser leur ambition, à savoir devenir une puissance régionale hégémonique. Comble de l'ironie, le clergé islamiste autorise la guerre biologique et chimique en s'appuyant sur le récit des Dix Plaies et sur l'histoire de l'islam, selon laquelle Mahomet utilisait la vermine, les serpents et les scorpions pour attaquer la cité « infidèle » de Taïf. Selon la doctrine islamique, l'Islam devrait toujours rendre à l'ennemi la monnaie de sa pièce. C'est ainsi que l'Iran, dans sa logique tortueuse, a décrété que, si les Américains ont utilisé la bombe atomique contre le Japon, alors l'Iran peut utiliser cette dernière contre les Américains.
Le gouvernement américain s'est trompé en pensant que les Iraniens, déjà en train de nier ou de falsifier les détails de l'accord, mettraient fin à leurs ambitions impérialistes sur l'ensemble du Moyen-Orient. Il essaie de faire avaler à l'ensemble du Moyen-Orient un conte de fées dans lequel cet Iran qui a investi des milliards – si pas des centaines de milliards – de dollars dans les bunkers, les centrifugeuses et l'uranium, qui a assassiné ses physiciens nucléaires, affamé sa population au moyen des sanctions, développé des missiles, de l'armement, une armée, cet Iran qui est sur le point d'acheter des missiles antiaériens russes à la pointe du progrès, que cet Iran est désormais prêt à jeter tout cela aux orties soit pour justifier le prochain Prix Nobel de la Paix d'Obama soit parce qu'à Lausanne, Obama et Kerry étaient des convives tellement charismatiques.
Reste à convaincre Israël.
Reuven Berko est docteur (Ph.D) en études du Moyen-Orient. Analyste sur des chaînes arabes israéliennes, il écrit pour le quotidien israélien Israel Hayom et est considéré comme l'un des plus grands spécialistes des affaires arabes en Israël.