Selon ce qu'a rapporté une source policière à l'Investigative Project on Terrorism, la fusillade qui a éclaté ce dimanche lors d'un concours de caricatures de Mahomet organisé à Garland, au Texas, apparaît comme la suite on ne peut plus logique d'une « avalanche sans précédent » de messages malveillants postés sur les réseaux sociaux, quelques jours seulement avant l'événement, par des djihadistes du monde entier appelant à une violence totale qui impliquait le meurtre des organisateurs de l'événement et de tous ceux qui y assisteraient.
Dimanche soir, les terroristes, identifiés comme étant Elton Simpson et Nadir Soofi habitant Phoenix (Arizona), ont fait route jusqu'au Curtis Culwell Center où le concours Muhammad Art touchait à sa fin. À peine sortis de la voiture de Soofi, ils ont commencé à faire feu avec leurs armes automatiques, blessant un agent de sécurité non armé.
Selon la police, un agent de la police de la route de Garland qui était en compagnie du garde blessé a riposté, tuant Simpson et Soofi.
L'événement était organisé par l'American Freedom Defense Initiative, organisation dirigée par l'écrivain et défenseur de la liberté d'expression Pamela Geller. La compétition, au cours de laquelle le député néerlandais Geert Wilders a prononcé un discours, a accueilli plus de 300 participants venus concourir pour le premier prix fixé à 10.000 dollars.
Le dessin qui a été primé montre une représentation du prophète musulman Mahomet brandissant une épée et ordonnant : « Tu ne peux pas me dessiner ! » Ce à quoi la main du caricaturiste répond : « C'est pourquoi c'est moi qui te dessine. »
L'idée de ce concours est née en partie en réaction à la conférence de « soutien au Prophète » organisée en janvier par le Council on American-Islamic Relations (CAIR, Conseil aux relations islamo-américaines) et durant laquelle des leaders musulmans radicaux venus des quatre coins des États-Unis avaient accusé ceux qui « diffamaient le Prophète » d'être responsables de la montée de groupes musulmans extrémistes et de « la haine des musulmans dans le monde ».
L'événement parrainé par le CAIR s'était tenu à Garland en janvier dernier, peu après le massacre à Paris des caricaturistes du journal satirique Charlie Hebdo par des terroristes musulmans. L'événement organisé par Geller se voulait aussi un hommage aux victimes des attentats de Paris.
Selon la source de l'IPT, les messages malveillants concernant l'événement ont commencé à être postés massivement sur les réseaux sociaux environ trois jours plus tôt. Ils comportaient des incitations au meurtre des responsables ainsi que des appels à la décapitation et aux assassinats de masse. Simpson, dont le casier judiciaire montre une sensibilité de longue date pour les causes djihadistes, a apparemment vu certains de ces messages appelant à la violence et s'est rendu au Texas dans l'intention de tuer le plus grand nombre possible de participants à la rencontre de Garland.
On ne sait pas encore ce qui a suscité l'engouement tardif de certains cercles de djihadistes étrangers pour le rassemblement de Garland mais les enquêteurs sont certains que, par leur geste, Simpson et Soofi essayaient de répondre à ces appels au djihad.
À ce stade, les autorités ne croient pas que les attentats étaient planifiés ou que Simpson et Soofi étaient venus en reconnaissance au Culwell Center avant de sortir leurs armes et de faire feu.
Si cela avait été le cas, ils auraient découvert que les organisateurs, bien conscients des risques de violence que comportent des événements comme le leur, ont déboursé 10.000 dollars pour faire assurer la sécurité par des agents de police en dehors de leur service. Et ce, sans compter la sécurité assurée par des unités spécialisées en la matière comme le FBI.
L'IPT a appris que vendredi, le FBI avait publié un bulletin d'information au Texas minimisant le risque de voir la violence éclater. Le bulletin qui n'a pas été rendu public affirmait qu'il n'y avait aux États-Unis aucun élément d'une quelconque source indiquant une menace crédible de violence lors du concours-exposition Muhammad Art.
Toutefois, une autre unité de renseignement au Texas a contesté l'évaluation du FBI en publiant un tout autre avertissement faisant état d'un « grand nombre de messages postés sur les réseaux sociaux depuis l'étranger et qui incitent à la violence » notamment des incitations de sympathisants islamistes en Europe à « détruire le Texas ».
La forte présence policière à Garland sur les lieux du concours est une mesure de précaution qui a empêché les terroristes lourdement armés de mettre à exécution leur rêve de massacrer tous ceux qui étaient dans le bâtiment.
Alors que le concours touchait à sa fin, une voiture s'est ruée vers le Culwell Center et les deux hommes armés ont commencé à tirer avec leur AK-47. Un agent de la sécurité a été blessé à la jambe mais sa vie est hors de danger.
Un responsable a confié à l'IPT : « Si cet agent n'avait pas réagi aussi rapidement, l'issue de cet épisode aurait pu être bien différente et bien pire que celui survenu à Paris. » D'après un autre agent, « à ce stade nous ne pouvons pas en être sûrs à 100% mais on dirait que ces types étaient comme en opération suicide. Ils n'avaient manifestement pas de plan d'évasion. »
Un message posté sur Twitter quelques minutes avant la fusillade avec le hashtag « #texasattack » mentionnait ce qui s'avère être un serment d'allégeance à l'État Islamique accompagné de la demande : « Puisse Allah nous accepter comme moudjahidines » (ou combattants du djihad).
Dans un guide de l'État islamique publié récemment en ligne, le groupe terroriste encourage les musulmans à attaquer les gens qui représentent Mahomet de façon insultante, ainsi que l'indique cet extrait de How to Survive in the West (« Comment survivre en Occident ») :
« Allah nous le demande. Pourquoi ne combattez-vous pas un peuple qui n'a pas tenu son engagement de paix (avec les musulmans) et qui ensuite a insulté notre religion (en faisant la promotion de représentations offensantes du Prophète Mahomet) et s'est attaqué à vous en premier ? »
Geller et Robert Spencer, co-organisateurs de l'événement, ont été immédiatement placés sous protection policière (Wilders avait déjà quitté les lieux) et le périmètre autour de la voiture et des corps des auteurs a été bouclé.
En 2010 Simpson avait été accusé d'avoir menti au FBI sur ses projets de voyage en Somalie en vue d'y rejoindre le groupe terroriste des Shebab. En 2011, il a été condamné pour cela mais son casier montre qu'il n'a écopé que d'un sursis probatoire de trois ans assorti d'une mise en liberté sous surveillance. Après sa condamnation, il a pu récupérer son passeport à la suite d'une requête introduite auprès de la cour par son avocat.
Toutefois différents éléments de l'enquête montrent que Simpson parlait de martyre et de djihad contre l'Occident depuis des années. D'après une décision rendue en 2011 par le juge fédéral américain Mary Murguia, il avait attiré l'attention du FBI dès 2006, en raison de ses liens avec une personne suspectée d'avoir tenté d'établir une cellule terroriste en Arizona.
Le FBI a chargé un informateur de se faire l'ami de Simpson et d'enregistrer leurs conversations. Selon le juge Murguia, Simpson a raconté à l'informateur qu'Allah aime ceux qui « vont combattre (les non-musulmans) » et font de durs sacrifices comme vivre dans des caves et dormir sur la pierre plutôt que de vivre avec femme, enfants et belles voitures et dormir dans des lits confortables ». Si on est tué, « c'est tout droit (au paradis) », selon Simpson. « (Le paradis), c'est pourquoi on est ici... alors pourquoi ne pas prendre cette route ? »
En 2009, Simpson a révélé qu'il voulait aller en Somalie pour y faire le djihad. « Il est temps », disait-il. « Je te le dis, mec... On va aller au front... il est temps qu'on s'engage... Des gens qui combattent et qui tuent tes enfants et qui lâchent des bombes sur des gens qui n'ont rien à voir avec tout ça. Il faut riposter, on ne peut pas rester assis là à se faire des sourires. »
Environ un mois plus tard, Simpson « disait qu'il était fatigué de vivre parmi les non-musulmans », indique Murguia. « M. Simpson a également déclaré que les non-musulmans combattent Allah et que son argent et les taxes qu'il paie sont destinés à les armer. »
L'Investigative Project on Terrorism a appris que les deux hommes étaient impliqués dans des activités liées à l'islam radical. Même si on en sait beaucoup moins à propos de Soofi, sa page Facebook contient des commentaires qui critiquent la police, louent le Hamas et montrent une haine profonde à l'égard d'Israël.
Le FBI et la police de Phoenix sont en train de passer l'appartement des hommes au peigne fin. Ils examinent aussi attentivement leurs ordinateurs et leurs téléphones portables et prennent contact avec toutes leurs connaissances et leurs proches.
Geller a déclaré à l'Investigative Project on Terrorism : « Cet incident montre qu'un tel événement était d'une nécessité impérieuse et d'autant plus sous cette forme-là. Face à l'intimidation violente, nous devons œuvrer en faveur de la liberté d'expression sous peine de voir cette liberté disparaître. »