Neuf mois ont passé depuis que le Hamas a combattu Israël dans une guerre de 50 jours. Depuis lors, l'organisation terroriste a profité de ces neuf mois de calme pour se préparer au prochain affrontement qui, on peut le penser, se produira inévitablement.
Le Hamas met actuellement tout en œuvre pour reconstituer son stock de missiles et son réseau de tunnels. L'armée israélienne de son côté, se prépare également à riposter aux prochaines attaques du régime en place à Gaza.
Même s'il existe déjà de nombreux facteurs susceptibles de déclencher un conflit, le Hamas, en dépit de son idéologie extrémiste, ne semble pas enclin à provoquer une nouvelle guerre coûteuse et destructrice.
L'aile militaire du Hamas, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, a repris son programme intérieur de production de missiles et de mortiers et a, selon toute probabilité, produit plus de 1000 roquettes depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 26 août dernier.
Parmi ces nouvelles roquettes, on en compte des dizaines dont la portée atteint plus de 75 kilomètres, une distance qui englobe les villes situées au cœur d'Israël. Au terme de l'Opération Bordure protectrice de l'année dernière, le Hamas possédait encore 3000 roquettes, soit un tiers de son arsenal d'origine.
Lors du dernier conflit, le Dôme de Fer israélien, constitué de batteries antimissiles, a prouvé sa capacité à parer aux salves de roquettes tirées depuis Gaza et qui menaçaient des zones peuplées : 580 tirs entrants ont ainsi été interceptés.
Malgré l'efficacité de la défense aérienne israélienne, le Hamas s'active à la production d'un nombre accru de roquettes étant donné qu'il est toujours en mesure de perturber la vie quotidienne des Israéliens en déclenchant des alertes aux raids aériens, en forçant des millions d'Israéliens à se ruer vers un abri et en nuisant à l'économie israélienne.
En raison d'une politique draconienne de destruction des tunnels de contrebande menée par l'Égypte, le Hamas n'est plus en mesure de faire entrer des armes clandestinement et utilise dès lors les ateliers de métallurgie de Gaza pour produire les pièces de missiles en se servant de matériaux à double usage, comme des produits chimiques agricoles, pour les mélanger et obtenir ainsi des têtes explosives.
L'été dernier, l'armée israélienne a détruit 32 tunnels d'attaques transfrontaliers creusés par le Hamas dans l'intention d'infiltrer des escadrons de la mort dans le sud d'Israël pour tuer et enlever des civils et des soldats israéliens.
Le Hamas avait employé environ un millier d'ouvriers à un prix relativement bas et les avait fait travailler en équipes pour créer un réseau souterrain reliant les tunnels transfrontaliers à une série de passages souterrains menant au cœur de Gaza. Ces tunnels ont été utilisés pour le transport d'armes et la circulation des terroristes hors de la vue de la force aérienne et des services de renseignement israéliens.
Si un nouveau tunnel du Hamas creusé en vue de pénétrer à nouveau en Israël venait à être découvert, cela constituerait une violation du territoire israélien et ouvrirait la porte à une nouvelle phase conflictuelle.
Pendant ce temps, l'économie de Gaza stagne. Seule une petite partie des 5,4 milliards de dollars promis par les donateurs internationaux pour la reconstruction de Gaza est arrivée dans la Bande.
Le hold-up exercé sur les transferts de fonds trouve son origine dans le conflit permanent qui oppose les dirigeants de Gaza à l'Autorité Palestinienne (AP) qui, depuis Ramallah, gouverne les Palestiniens de Cisjordanie.
L'échec d'un accord entre l'AP et le Hamas sur un mécanisme conjoint de réception des fonds signifie que la reconstruction se fait à pas de tortue. Des dizaines de milliers de bâtiments à Gaza endommagés ou détruits lors du conflit de 2014 ne sont toujours pas réparés.
Le Hamas pour sa part utilise les ressources dont il dispose pour reconstituer sa force de frappe militaire et ne se soucie pratiquement pas des maux endurés par les civils gazaouis.
Plus la reconstruction durera, plus le risque d'un nouveau conflit grandira.
Conscient de cette éventualité, Israël met tout en œuvre pour faciliter l'entrée des matériaux destinés à la reconstruction. Selon les chiffres du coordinateur de l'armée israélienne pour les activités du Gouvernement dans les Territoires, Gaza a reçu durant le seul mois d'avril, 63.468 tonnes de matériaux de construction qui ont transité par les postes frontières israéliens. Depuis octobre, 167.673 tonnes de matériaux de construction sont entrées à Gaza.
La pression de la population gazaouie sur le Hamas pourrait grandir et l'aile militaire pourrait trouver une excuse pour s'engager dans un nouveau conflit : obliger la communauté internationale à faciliter la reconstruction. Ce geste serait destiné à libérer le Hamas de la pression interne.
Si le Hamas s'est lancé en juin dernier dans une guerre contre Israël, c'est parce que ses dirigeants se sentaient isolés sur le plan régional et que leur régime était sur le point de s'effondrer économiquement.
Le Hamas, qui espérait qu'un conflit renforcerait sa position, a utilisé ses bases militaires cachées au cœur des zones résidentielles pour attaquer Israël sans tenir compte des souffrances qu'une telle décision finirait par occasionner aux habitants de Gaza.
Actuellement, on retrouve les mêmes facteurs que ceux qui avaient incité le Hamas à choisir l'option du conflit. Au sud, les homologues égyptiens du Hamas que sont les Frères Musulmans, sont traqués et réprimés par le gouvernement du président Abdel Fattah Al-Sissi, ce qui contribue à isoler le Hamas.
L'Égypte considère Gaza comme une grande base terroriste où les organisations salafistes djihadistes s'arment librement et utilisent les tunnels pour accéder au territoire égyptien et commettre des attentats.
L'Égypte identifie le Hamas à une branche de l'ennemi islamiste local, les Frères Musulmans égyptiens, ainsi qu'à une menace directe pour la sécurité du pays, ce qui a conduit les autorités égyptiennes à interdire cette année l'aile militaire du Hamas.
L'Égypte a créé une zone tampon d'un kilomètre de large entre elle et Gaza et a, pour ce faire, détruit les habitations de la région frontalière entre Gaza et le Sinaï, bloquant dans le même temps l'accès à des centaines de tunnels de contrebande.
Le Hamas dispose de peu d'alliés dans la région même s'il bénéficie d'un certain soutien de la part de la Turquie, du Qatar et d'un nouveau vieil ami qui a fait sa réapparition, l'Iran.
En dépit d'une méfiance réciproque, le Hamas et Téhéran ont renoué des relations cette année et l'Iran a commencé à financer le programme de réarmement du Hamas à coups de dizaines de millions de dollars.
Par ailleurs, il existe entre les différentes factions dirigeantes du Hamas des tensions qui pourraient conduire à une certaine instabilité. Des désaccords se font sentir à Gaza entre l'aile militaire et l'aile politique du Hamas.
L'aile militaire est, sans le dire tout haut, déçue de l'action menée par l'aile politique lors de la guerre de l'été dernier et s'afflige de ce qu'elle ressent comme un manque de soutien. L'aile politique a, de son côté et dans la coulisse, remis en cause les « exploits » de l'aile militaire au cours de cette même guerre.
À Gaza, l'émergence d'organismes inspirés par l'EIIL constitue un autre facteur potentiel de déstabilisation. Récemment le Hamas y a arrêté des dizaines de salafistes djihadistes purs et durs représentant une menace pour le régime, et a détruit début mai une mosquée appartenant à une organisation pro-EIIL.
Ces groupes qui accusent le Hamas d'être trop mou envers Israël, ont effectué des tirs sporadiques de roquettes sur Israël, avec pour conséquences des tirs de représailles de la part d'Israël et des rafles opérées par le Hamas.
Malgré les tensions, il est probable que le Hamas maintienne des liens avec les organisations du djihad planétaire qui opèrent dans la Péninsule du Sinaï.
Ces liens permettraient au Hamas d'envisager l'option d'attaques contre Israël lancées en dehors de son pré carré de Gaza.
On peut s'attendre à ce que le Hamas mette en place des cellules terroristes susceptibles d'être activées ultérieurement dans d'autres endroits aussi, notamment en Cisjordanie et dans le Sud-Liban.
Quoi qu'il en soit, aussi longtemps qu'il refusera de reconnaître Israël et d'abandonner son objectif déclaré de détruire cet État par une guerre de type djihadiste ponctuée de cessez-le-feu temporaires, le Hamas continuera à représenter un risque important pour la sécurité d'Israël et bien plus encore pour la population civile de Gaza qu'il gouverne.
Yaakov Lappin est correspondant au Jerusalem Post pour les affaires militaires et de sécurité nationale. Il est l'auteur de l'ouvrage The Virtual Caliphate (Potomac Books) dans lequel il explique que les djihadistes agissant sur internet sont parvenus à établir un État islamiste virtuel.