« Pendant des années, le Hamas fut ma passion ». C'est en ces termes que commence l'article de Hussein Hamdani, un avocat canadien, où il décrit son excitation et sa fébrilité par rapport à sa rencontre à Gaza avec le fondateur du Hamas Ahmed Yassine. L'article, publié en 2004, était un hommage à Yassine qui venait d'être tué par une frappe aérienne israélienne.
Hamdani qualifie Yassine de « Cheikh du peuple » et explique que ce dernier faisait partie d'un groupe de fondateurs du Hamas qui avaient décidé qu'il « fallait engager la lutte armée » contre Israël. « C'est comme si j'étais assis au pied de l'histoire », écrivait Hamdani avec enthousiasme à propos de sa rencontre avec l'un de ses héros. La vision qu'avait Yassine « représentait l'espoir que les forces d'occupation pouvaient être vaincues. »
Une année après avoir embrassé ouvertement le mouvement djihadiste par ses écrits, Hamdani était nommé à une table ronde canadienne sur la sécurité nationale où il a siégé jusqu'à ce qu'il soit suspendu, en avril 2009, en raison de l'ouverture d'une enquête à son encontre. Un porte-parole du ministre canadien de la Sécurité publique, Steven Blaney, a déclaré que malgré le fait que des interrogations sur « l'idéologie radicale de Hussein circulent depuis un certain temps, on espérait qu'il aurait une influence positive en faisant la promotion des valeurs canadiennes auprès de la communauté musulmane. Il est clair à présent que cela n'a pas été le cas. »
Hamdani a qualifié sa suspension de mesure politique et a continué, la semaine dernière, à proférer sur une radio des menaces d'action en justice contre toute personne qui ferait état des déclarations et des relations qu'il aurait eues par le passé.
L'article sur le Hamas n'a pas été très remarqué au milieu de toutes les marques d'indulgence de Hamdani envers les idées et organisations radicales. À titre d'exemple :
En 1996, alors qu'il était agent de la Muslim Students Association (MSA, association des étudiants musulmans) à la McMaster University de Hamilton en Ontario, Hamdani a écrit dans un « Guide pour une gestion efficace d'un MSA », un chapitre de trois pages intitulé « Islamisation de la politique universitaire et politisation de la MSA » et dans lequel il disait que « l'objectif à long terme de toute MSA devrait être d'islamiser la politique de son université... Il est du devoir de la MSA de rétablir la moralité sur les campus. » [souligné dans le texte original]
Il évoquait, par exemple, la proposition d'accorder des allocations aux couples de même sexe comme une mesure qui « devrait être considérée comme immorale et dès lors être rejetée par vote ou ignorée. »
Par la suite, Hamdani est devenu le président de la MSA de l'University of Western Ontario. La MSA a été fondée par des membres des Frères Musulmans venus en Amérique du Nord pour y suivre des études universitaires. Le but de la confrérie est de répandre la religion partout dans le monde. Selon les termes de son fondateur, Hassan al-Banna : « Il est dans la nature de l'islam de dominer et de ne pas être dominé, d'imposer sa loi à toutes les nations et d'étendre son pouvoir sur la terre entière. »
La propre biographie de Hamdani le considère comme « un membre fondateur de l'Ihya Foundation. » Ihya [NdT « revivification » en arabe] a travaillé avec l'Assemblée mondiale de la Jeunesse musulmane en créant en 2003 une série annuelle de conférences sur la « revivification de l'esprit de l'islam ». Selon le magazine canadien en ligne Point de Bascule, qui a fait des recherches sur Hamdani pendant des années, Hamdani était ouvertement décrit comme un « organisateur clé » des premières conférences.
L'une de ces conférences a accueilli William Baker, un néo-nazi, Siraj Wahhaj, un imam radical américain, et Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères Musulmans, Hassan al-Banna.
Le service américain des douanes et de la protection des frontières a déclaré détenir « des renseignements crédibles » selon lesquels des conférences similaires à celles de Revivification de l'esprit de l'islam « étaient utilisées par des organisations terroristes pour financer et dissimuler les déplacements des terroristes en personne. » Cette déclaration est intervenue après le dépôt d'une plainte par des musulmans américains contre le ministère américain de la Sécurité intérieure, le Department of Homeland Security, pour avoir été détenus, fichés et interrogés après avoir assisté à la conférence de 2004. Les renseignements en question ont été confirmés par l'avis rendu par une cour d'appel. D'après une série d'informations classifiées, cet avis indiquait que « la police des douanes et des frontières avait raison de croire que des terroristes connus ou des individus liés au terrorisme allaient assister à la conférence de Revivification. »
En 2012, l'Agence du revenu du Canada (ARC) a révoqué le statut caritatif de l'Assemblée mondiale de la Jeunesse musulmane après avoir constaté que l'organisation avait financé un organisme apparenté à Al-Qaïda.
La suspension de Hamdani du comité d'experts sur la sécurité nationale est intervenue le soir même où un reportage de la chaîne francophone TVA Nouvelles mettait en lumière ces connections et d'autres avec le radicalisme. Hamdani a considéré cette mesure comme un acte de représailles de la part de membres du Parti conservateur du Canada, irrités de son passage récent au Parti Libéral.
Les allégations portées contre lui « sont des mensonges. Je n'ai jamais, au grand jamais été impliqué dans une quelconque organisation ayant des liens avec le terrorisme », a confié Hamdani le 12 mai dernier à l'animateur radio de Hamilton, Scott Thompson. Il a également menacé d'intenter des procès en diffamation contre ceux qui le critiquent.
Pourtant, entre 2005 et 2009, deux associations caritatives avec lesquelles Hamdani a travaillé – la Halton Islamic Association et la Hamdani Foundation – ont contribué pour plus de 25.000 dollars à l'IRFAN-Canada. L'été dernier, la Gendarmerie royale du Canada a fait une descente dans les bureaux de l'IRFAN-Canada et a ajouté l'organisation à la liste des soutiens au terrorisme au terme d'un audit établissant que l'IRFAN-Canada avait envoyé au cours de la même période près de 15 millions de dollars au Hamas.
Hamdani a également affirmé bénéficier d'une invitation permanente à un programme de lutte contre la radicalisation organisé par les ministères américains de la Sécurité intérieure et de la Justice, en juillet dernier. Aucun des deux ministères n'a répondu aux demandes de confirmation envoyées par courrier électronique par l'Investigative Project on Terrorism.
« J'ai fait l'objet d'une enquête par le SCRS, la GRC, la CIA et le FBI », a déclaré Hamdani dans l'émission de Thompson. Reste à savoir comment et pourquoi la CIA se mettrait à enquêter sur un avocat canadien.
La plupart de ces révélations sont d'abord le fait du site Point de Bascule. Dans l'interview radio, Hamdani accusait le directeur de Point de Bascule, Marc Lebuis, d'être « l'un de ces grands théoriciens du complot » pour qui « chaque musulman est un musulman dangereux. C'est ainsi qu'il avait depuis très, très longtemps une page entière sur moi et je ne le savais même pas car, vous savez, il existe tant de types racistes dans son genre qui rédigent des blogs, qu'il est impossible de réagir à chacun d'entre eux. »
Lebuis a décliné toute demande de réponse.
Interrogé sur la recommandation faite par le Guide de la MSA de « rétablir la moralité sur les campus », Hamdani a déclaré que son point de vue sur le mariage homosexuel a changé au fil des années. Toutefois sa réponse confuse, qu'on peut entendre dans son intégralité dans l'enregistrement ci-dessous, s'est davantage consacrée à expliquer que la recommandation d'islamiser l'université était en réalité une consécration du processus démocratique.
Hamdani a dit : « Donc toute personne qui dit de ne pas encourager les musulmans à participer aux élections, agit de façon antidémocratique. »
Aucun de ses détracteurs n'a jamais rien dit de tel. Le sujet était l'instruction donnée par Hamdani dans le Guide de la MSA d'islamiser la politique du campus. Quand on compare cela aux autres actions de Hamdani – sa « passion » déclarée pour le Hamas, son rôle dirigeant dans l'organisation de conférences d'orateurs radicaux et plus encore – l'inquiétude exprimée par le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, est bien plus cohérente.
Quand il était étudiant, Hamdani était bien aise de militer pour que les gens islamisent leurs communautés. Pourtant, lors de son passage à la Table ronde transculturelle sur la sécurité nationale, il a milité pour que le Canada imite les États-Unis en évitant les références à la religion lors de discussions sur les menaces et les attentats terroristes.
On ne sait pas combien de temps durera l'enquête sur Hamdani.