Les prochains jours représentent une période décisive dans le processus dirigé par les États-Unis pour parvenir à une solution diplomatique avec l'Iran à propos de son programme nucléaire. Et déjà, on voit apparaître des signes inquiétants montrant une administration Obama prête à laisser tomber les exigences de transparence formulées par la communauté internationale à l'adresse de l'Iran.
Les négociateurs des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'Allemagne (connus sous le nom de groupe P5+1) avaient espéré un dernier cycle de négociations apaisé conduisant à un accord global.
Au lieu de cela, ils se sont vus opposer un refus iranien catégorique d'autoriser des inspecteurs internationaux à visiter en Iran des installations militaires suspectées d'abriter des activités en lien avec un programme militaire d'armement nucléaire.
L'Iran refuse également de revenir sur son refus de permettre à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'interroger des scientifiques nucléaires iraniens à propos de la dimension militaire potentielle du programme nucléaire de l'Iran.
À l'approche de la date butoir du 30 juin, le Guide suprême iranien, l'ayatollah Khamenei, a clairement fait savoir qu'il ne reviendrait pas sur son refus de laisser l'AIEA accéder aux sites suspects et interroger les membres clés du personnel lié à la recherche nucléaire. Si les négociateurs se plient à ces demandes, les dommages portés aux initiatives de contrôle des armes dans le monde ainsi qu'à la sécurité internationale d'une façon générale, seront considérables.
Récemment, Khamenei s'est exprimé à la télévision d'État iranienne : « Nous ne céderons jamais à la pression... Nous n'accepterons pas les exigences déraisonnables... L'Iran ne laissera pas ses scientifiques (nucléaires) se faire interroger. Nous ne permettrons pas que la confidentialité du travail de nos scientifiques ou de tout autre dossier soit violée. »
Il a ajouté : « Je ne laisserai pas des étrangers parler à nos scientifiques ni interroger nos enfants bien-aimés... qui nous ont fourni ces connaissances approfondies. »
Massoud Jazzayeri, chef d'état-major adjoint des Forces armées iraniennes, s'est fait l'écho de la position du Guide suprême, disant que cette autorisation « ne sera absolument jamais accordée pour un quelconque accès aux centres militaires même si cela va à l'encontre de l'approbation du protocole additionnel (au TNP)... Les visites d'étrangers dans des centres liés à l'armée et à la défense ainsi que l'obtention d'informations d'ordre logistique ou stratégique sont contraires aux ordres (du commandant en chef l'ayatollah Seyyed Ali Khamenei) ainsi qu'à la volonté de la nation iranienne. »
Le chef d'état-major adjoint a ajouté : « Tout le monde doit savoir qu'à nos yeux, la visite de sites militaires est tout à fait impossible – car ces sites font partie de nos zones rouges – et que nous ne permettrons à personne de remettre en cause cette situation. »
Si la communauté internationale accepte la position de Khamenei, cela signifie que l'AIEA sera effectivement forcée de classer le dossier des précédentes tentatives de l'Iran d'obtenir des informations sur les procédés de fabrication de têtes nucléaires.
Des signes en provenance de Washington laissent penser que l'administration Obama pourrait être prête à accepter.
« Nous ne faisons pas une fixation sur les explications de l'Iran quant à ses activités antérieures. Nous savons bien ce qu'ils ont fait. Nous nous préoccupons plutôt de ce qui va suivre ». Ces propos qui ont été tenus récemment par le secrétaire d'État américain John Kerry révèlent à quel point le gouvernement américain est prêt à faire des concessions pour obtenir un accord.
Par la suite, le Département d'État américain a essayé de relativiser les propos de Kerry, en insistant sur le fait que les États-Unis n'ont pas changé de position et qu'ils exigent toujours que l'Iran accède aux demandes de l'AIEA. Mais ces tentatives de minimisation du changement de position de la Maison Blanche ne sont pas particulièrement convaincantes.
Aujourd'hui, le New York Times a fait état d'une lettre envoyée au président Obama par cinq anciens conseillers et dans laquelle ces derniers expriment leur inquiétude par rapport au fait que les concessions du gouvernement américain mettent celui-ci sur la voie d'un accord qui « pourrait ne pas répondre aux critères considérés par le gouvernement lui-même comme essentiels à un 'bon' accord ». Dans cette lettre, les anciens conseillers exposent également une série d'exigences minimales auxquelles l'Iran doit souscrire dans les prochains jours, comme préalable à tout accord final.
Parmi les sceptiques, on trouve l'ancien directeur de l'agence du renseignement de la Défense américaine (DIA), le lieutenant-général à la retraite Michael T. Flynn, qui a déclaré le 10 juin en sous-commission mixte Affaires étrangères et Services armés de la Chambre, que le projet d'accord « accuse de graves lacunes ».
Ces lacunes, selon Flynn, comprenaient « le problème des vérifications incomplètes. Les dirigeants iraniens ont dit clairement qu'ils permettraient tout au plus à des inspecteurs internationaux (AIEA) d'avoir un 'accès réglementé' aux installations nucléaires moyennant une notification préalable en bonne et due forme. Ce qui rend presque impossible, sur le plan de la pleine transparence, tout contrôle réel sur l'état d'intégration d'un programme de missiles au sein du projet nucléaire iranien ... Le programme nucléaire iranien présente une dimension militaire importante et encore partiellement secrète. Et c'est sur ce genre de choses (notamment les projets de miniaturisation de têtes nucléaires) que le dialogue entre le groupe P5+1 et l'Iran a fait l'impasse et ce, dans le but d'obtenir un accord. »
L'ancien directeur de la DIA a prévenu qu'« on peut conclure raisonnablement que des éléments du programme nucléaire iranien demeurent secrets... Donner un blanc-seing à l'Iran sur ces questions constituerait un signal très inquiétant par rapport au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). »
Cet empressement à renoncer jusqu'à une simple velléité de transparence de la part de l'Iran, va certainement alerter les capitales du Moyen-Orient menacées par l'Iran, de Jérusalem à Riyad en passant par Le Caire. En fait, l'Union européenne aurait indiqué qu'elle rejetterait toute proposition d'accord qui omettrait l'inspection des sites iraniens par l'AIEA et l'interrogatoire de scientifiques nucléaires.
L'UE a pressé l'Iran en insistant sur la nécessité de coopérer avec l'AIEA. L'année dernière, elle a exprimé publiquement sa déception quand un rapport de l'AIEA a fait état du refus de Téhéran de répondre aux questions concernant la dimension militaire potentielle de son programme nucléaire et a appelé l'Iran à coopérer avec l'agence onusienne.
Bien que les États-Unis soient de loin le membre le plus influent du groupe P5+1 et le négociateur principal au sein du groupe, Washington continuerait à réclamer un consentement unanime des autres membres comme préalable à tout accord.
Afin de dissiper les inquiétudes, le directeur de la CIA John Brennan s'est rendu ce mois-ci en Israël pour dire que la supervision par l'AIEA aurait été symbolique et que la réelle garantie contre les futures tentatives iraniennes de fabriquer la bombe serait la surveillance fournie non pas par les inspecteurs de l'AIEA mais bien par les services étatiques du renseignement.
Selon un rapport du Middle East Media Research Institute (MEMRI), Brennan avait espéré convaincre Israël – et par extension, l'UE – d'une part, du bien-fondé de la surveillance du programme nucléaire iranien par les services du renseignement et d'autre part, de l'absence de nécessité des inspections des sites militaires par l'AIEA.
Que cette affirmation soit vraie ou non, elle omet elle aussi de considérer les répercussions qu'aurait sur la région un arrangement de ce type qui prend à la légère les violations passées du TNP et délaisse tout simplement la mise en place d'un contrôle sur les armes.
Une telle situation pourrait être facilement interprétée par des États arabes sunnites tels que l'Arabie saoudite et l'Égypte comme un feu vert, pour eux aussi, à la violation du TNP.
Ces États et d'autres, peu stables et confrontés au défi de l'islamisme radical, pourraient commencer à travailler sur leur propre programme nucléaire afin de faire contrepoids à la menace représentée par leur rival chiite.
Si une course à l'armement nucléaire venait à se produire dans l'une des régions les plus instables au monde, cela poserait un énorme défi pour la sécurité internationale. Ce cas de figure était pourtant l'une des choses qu'un accord avec l'Iran était supposé éviter.
Yaakov Lappin est correspondant au Jerusalem Post pour les affaires militaires et de sécurité nationale. Il est l'auteur de l'ouvrage The Virtual Caliphate (Potomac Books) dans lequel il explique que les djihadistes agissant sur internet sont parvenus à établir un État islamiste virtuel.