Les déclarations tenues récemment par les plus hauts dirigeants iraniens jettent le doute sur la viabilité de l'accord sur le nucléaire, alors même que les efforts menés au Congrès américain pour désapprouver l'accord apparaissent comme étant au point mort.
Le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, a déclaré que, si la République islamique était reconnue coupable de violations de l'accord et si les États-Unis et l'Union européenne tentaient de réimposer des sanctions, toutes les options dans cette affaire resteraient ouvertes.
Le 3 septembre, Khamenei a déclaré : « S'il s'avère que les sanctions ne sont pas levées, il n'y aura pas d'accord. Il faut pourtant qu'une décision soit prise à ce sujet. »
Le même jour, Khamenei a prévenu que l'Iran ne ferait que suspendre ses ambitions nucléaires si la levée des sanctions n'était que temporaire. Il a en effet déclaré : « Nous avons négocié pour que le cadre des sanctions soit supprimé et pour que les sanctions dans leur ensemble soient levées. Alors, le cadre des sanctions est-il supposé rester en place ? Et puis, je ne sais pas ce qu'ils entendent par 'cadre de sanctions'. Ils pourraient également à l'avenir le définir d'une autre manière. Or ce que nous comprenons de cette déclaration est à l'exact opposé de la raison pour laquelle nous avons pris part aux négociations. Sinon, nous n'aurions aucun besoin de négocier. »
En avril dernier, le parlement iranien a fait de la levée immédiate de toutes les sanctions contre la République islamique la condition préalable à tout accord. Au parlement iranien demeure une opposition à la clause de retour à la situation antérieure prévue dans l'accord. Mercredi lors des discussions, le vice-ministre des Affaires étrangères Seyed Abbas Araghchi a dit aux membres du parlement iranien que chacun des deux camps pouvait dénoncer l'accord s'il estimait que l'autre camp avait violé l'accord.
« L'engagement envers le Plan d'action global conjoint est une question à double tranchant. Chaque partie peut invalider le plan, ce qui revient à faire sortir aussi l'autre partie de l'accord », a dit Araghchi.
Cela soulève des problèmes quand on sait que le président du parlement Ali Larijani a dit sur la radio nationale que son pays a une interprétation de l'accord différente de celle des États-Unis, particulièrement sur la question des sanctions. Des représentants du ministère américain des Affaires étrangères déclarent avoir des solutions d'urgence qui garantissent que les sanctions seront « effectivement suspendues et pourront être réintroduites dans l'avenir. »
Outre la possibilité de réintroduction des sanctions, l'ayatollah et d'autres dirigeants iraniens semblent craindre de nouvelles sanctions par rapport au soutien du terrorisme et à la détention de quatre otages américains par l'Iran. C'est ce qu'indique à l'Investigative Project on Terrorism James Phillips, expert à la Heritage Foundation Middle East.
Les dirigeants iraniens considèrent l'accord comme un moyen de faire lever les sanctions de façon permanente et de préserver son programme nucléaire, d'après ce qu'a confié à l'IPT John Bolton, ancien ambassadeur américain aux Nations unies.
Ainsi, selon Bolton, « les Iraniens – les soi-disant Iraniens modérés voulaient une levée des sanctions plus que les partisans de la ligne dure. Aucun d'eux n'était prêt à débattre de concessions sur leur programme nucléaire. Ils étaient en mesure de réaliser leurs ambitions et pour obtenir la levée des sanctions et le dégel des avoirs, ils n'ont pas fait de compromis significatif sur le programme. »
Les leaders iraniens ont crié victoire car ils ont obtenu de l'Occident de revoir les sanctions à la baisse. Il se peut que les sanctions ne soient pas effectivement appliquées comme arme ou moyen d'« intimidation », a déclaré Larjani le 1er septembre à l'agence de presse Mehr News, alors que le ministre iranien des Affaires étrangères parlait de l'accord comme d'une victoire du fait que les États-Unis ont reconnu à l'Iran le droit d'enrichir de l'uranium.
Les dirigeants iraniens refusent une amélioration des relations avec les États-Unis
L'ergotage iranien sur l'accord intervient alors que les dirigeants du pays continuent leur rhétorique antiaméricaine fielleuse. Dans un discours prononcé le 9 septembre, Khamenei a répété qu'il continue à considérer l'Amérique comme le « Grand Satan », disant que son pays a expulsé l'Amérique lors de sa révolution de 1979 et ne permettrait jamais à celle-ci de revenir.
Khamenei a ajouté : « Maintenant que nous l'avons mise à la porte, nous ne pouvons pas lui permettre de revenir par la fenêtre. Nous ne devons pas la laisser s'infiltrer car son inimitié ne connaîtra pas de fin. »
Le 27 août, Khamenei a désigné l'Amérique et Israël comme « nos ennemis » lors d'une allocution prononcée dans le cadre d'une discussion sur les déboires économiques de l'Iran. Début août, il a affirmé que l'Iran bloquait les tentatives de l'Amérique d'exercer son influence en recourant à des sanctions et a ruiné tout espoir de rapprochement général entre les États-Unis et l'Iran.
La lutte contre l'influence américaine au Moyen-Orient continue à faire partie de la politique menée par Khamenei qui a encore déclaré : « Nous ne permettrons pas à l'Amérique d'exercer une influence économique ou politique dans notre pays, et nous ne lui permettrons pas non plus d'avoir un présence politique et une influence culturelle dans notre pays. Nous nous opposerons à eux de toutes nos forces, des forces qui, heureusement, sont à présent très importantes. Cela vaut aussi pour la région. »
L'Iran envisage de faire obstruction aux inspections
Des signes montrent déjà que l'Iran n'est pas prêt à donner aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) l'accès illimité dont des représentants gouvernementaux déclarent qu'il fait partie de l'accord. Cela pourrait mettre à mal l'affirmation du Président Obama selon laquelle l'accord « n'est pas fondé sur la confiance mais sur la vérification. »
« L'Iran n'a pas l'intention de donner à l'AIEA l'autorisation d'inspecter tous les sites », a déclaré au début de ce mois le ministre iranien de la Défense et général de brigade Hossein Dehqan.
En juillet, Dehqan a également déclaré que l'Iran empêcherait les inspections de nombreux sites militaires du pays et ne permettrait à aucun étranger de découvrir ses capacités en matière de défense et de missiles. C'est là un discours que l'Iran a toujours tenu.
Onze jours après l'annonce de l'accord, l'assistant de Khamenei déclarait sur la chaîne Al-Jazeera en arabe : « L'accès d'inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique ou de toute autre institution aux sites militaires iraniens est interdit. »
Bolton a confié que le président iranien Hasan Rouhani s'était vanté en 2005 de la manière dont son pays avait dupé le monde après avoir prétendu arrêter son enrichissement d'uranium en 2003.
Bolton a dit : « Il a donné un discours en farsi sur la manière dont il avait en 2003 et 2004 fait marcher les Européens en les trompant sur les moratoires, les activités d'enrichissement et une série d'autres mesures prises pour apparaître comme des négociateurs de bonne foi alors qu'en fait il n'en était rien. Je considère tous ces soi-disant modérés comme des partisans du programme d'armement nucléaire tout aussi enthousiastes que Khamenei en personne. »
Ces dix dernières années, l'Iran a tout fait pour entraver les inspections de l'AIEA. En juin 2004, l'agence des Nations unies a blâmé l'Iran pour ne pas s'être conformé aux normes internationales. Le directeur général de l'AIEA de l'époque, Mohamed El-Baradei, avait rejeté l'affirmation de l'Iran – que l'Iran maintient toujours – selon laquelle son programme nucléaire se limite à des objectifs strictement pacifiques, indiquant que les inspecteurs avaient trouvé des particules d'uranium hautement enrichi dans un certain nombre d'installations nucléaires du pays.
Bolton prédit que l'Iran commencera par jouer le jeu et respectera l'accord durant plus ou moins six mois, le temps d'obtenir la levée des sanctions et la fin du gel des avoirs. Mais l'AIEA connaîtra des difficultés « presque aussitôt ». Le refus de l'Iran de laisser inspecter ses sites militaires permet la poursuite des activités clandestines liées à son programme nucléaire.
Bolton a ajouté : « Je pense qu'une fois obtenue la levée des sanctions, le degré de coopération de l'Iran va chuter et que nous devrons aussitôt reprendre des négociations sans fin. Même au sein de notre propre ministère des Affaires étrangères et parmi nos alliés européens, on entend dire : « Voulons-nous vraiment abandonner l'ensemble de l'accord de Vienne pour une simple bisbrouille sur cette prétendue non-conformité ? »
L'Iran se conformera aux dispositions de l'accord aussi longtemps que cela servira ses meilleurs intérêts, a déclaré Phillips qui a annoncé que les problèmes apparaîtront une fois que l'Iran aura obtenu la levée des sanctions et commencera à se braquer.
Aux termes de l'accord, l'Iran est supposé réduire le nombre de ses centrifugeuses de 19.000 à 6104, limiter l'enrichissement d'uranium à 3,67% pendant 15 ans, ne pas construire de nouvelles installations pour l'enrichissement pendant 15 ans, transporter par bateau le combustible usé de son réacteur à eau lourde d'Arak et freiner à l'avenir la production de nouveaux réacteurs à eau lourde.
Jeudi, des représentants du ministère américain des Affaires étrangères ont confié à la presse qu'avant de pouvoir bénéficier d'une levée des sanctions, l'Iran devait montrer qu'il tient ses engagements. Cela implique la mise hors service de milliers de centrifugeuses du site de Natanz et leur mise sous contrôle de l'AIEA ainsi que le retrait du matériel d'enrichissement du site de Fordow et le bétonnage du cœur du réacteur d'Arak en vue de le rendre inutilisable.
Le sénateur républicain de l'Oklahoma, James Lankford, a confié à l'IPT que la disposition de l'accord permettant à l'Iran de reporter les inspections jusqu'à 24 jours met à mal la capacité de contrôle des inspecteurs. En juillet, l'ancien directeur général adjoint de l'AIEA, Olli Heinonen, a déclaré qu'un délai de 24 jours permettait aisément d'évacuer certains types de matériaux utilisés sur des sites nucléaires secrets vers des sites secrets plus petits. L'Iran pourrait profiter de l'occasion pour « nettoyer » ses sites nucléaires secrets plus modestes en aménageant de nouvelles surfaces, en couvrant les murs de nouvelles ardoises, en repeignant les plafonds et en remplaçant la ventilation.
Heinonen a confié à l'IPT : « Si vous prenez un espace réduit comme celui où l'on pratique la métallurgie de l'uranium ou la fabrication des composantes nucléaires d'ogives, il s'agit d'endroits très petits et le délai de 24 jours permet, si les inspections sont planifiées avec suffisamment d'avance, de les cacher. »
Lankford pense que la situation qui prévaudra en cas d'accord sera un « jeu du chat et de la souris » dans lequel les inspecteurs devront chercher une « balle magique » dans une zone aussi grande que le Texas.
Lankford a ajouté : « L'essentiel du travail sur les armes nucléaires ne se concentre pas sur l'uranium mais plutôt sur une autre technologie qui permettrait littéralement de les dissimuler n'importe où dans un réseau informatique. Et si vous êtes capable de faire ça, vous pouvez les cacher n'importe où dans un aussi grand pays si bien qu'il n'y a aucun moyen pour le vérifier. C'est pourquoi nous avons besoin de nous concentrer sur la vérification. Leur focus principal est l'enrichissement d'uranium et, comme je l'ai déjà mentionné, les Iraniens savent déjà à ce stade comment enrichir de l'uranium. »
« Tout se concentre sur la rapidité de cet enrichissement, sur sa qualité, les dispositifs de déclenchement et de livraison. »
Depuis 2005, l'Iran empêche les inspecteurs d'interroger ses scientifiques nucléaires et de visiter librement ses sites comme la base militaire de Parchin qui reste un sujet de controverse du point de vue iranien. Reza Najafi, l'ambassadeur iranien auprès de l'AIEA, a renouvelé le refus de son pays d'autoriser des inspections à Parchin en août. L'imagerie satellite montre de nouvelles constructions en cours sur ce site auquel l'AIEA souhaite avoir accès.
« L'Iran n'a nul besoin d'obtenir la permission de l'AIEA pour établir de nouvelles constructions sur ses propres sites », a déclaré Najafi concernant le souhait de l'AIEA d'inspecter Parchin, selon l'agence de presse iranienne semi-officielle Tasnim.
L'Iran a expulsé les inspecteurs de son territoire en 2010 après que ceux-ci eurent découvert des preuves d'activités nucléaires illicites. Dans d'autres cas, l'Iran a systématiquement répondu aux inspecteurs par des arguments qualifiés de fallacieux par un rapport de l'AIEA.
Selon l'accord, l'Iran et l'AIEA ont conclu un accord que les autorités iraniennes ont demandé de garder secret pour éviter que les services de renseignement occidentaux n'exploitent l'information.
« Pas d'alternative »
Heinonen a confié à l'IPT que l'octroi d'un accès illimité de l'AIEA à tous les sites militaires iraniens pertinents est essentiel. Sans quoi, l'AIEA ne pourra pas faire son travail.
« Il n'y a pas d'alternative dans le cas présent », a dit Heinonen. « Il faut un accès pour l'AIEA sinon elle ne pourra pas procéder aux vérifications requises. L'autre volet de l'accord de garanties exige que tout le matériel nucléaire en Iran, où qu'il se trouve, doit être déclaré auprès de l'AIEA et inclut également les activités et le matériel sur les sites militaires. »
« L'Iran a l'obligation de coopérer avec l'AIEA », a-t-il dit.
Le refus d'obtempérer aux inspections constituerait une brèche dans l'accord, a dit Heinonen.
Le discours de l'Iran à propos des conditions sur les inspections suggère que cet accord finira probablement comme les accords précédents, a dit Phillips, notamment l'accord de 2005 sur l'exportation d'uranium enrichi que Khamenei a rejeté.
Phillips a ajouté que l'espoir de voir l'Iran se conformer à l'accord après l'obtention de la levée des sanctions est de l'ordre du rêve car lors des accords précédents, la République islamique a constamment éludé et empêché les inspections.
Par conséquent, le blocage ou non de l'accord relève de la décision des mollahs iraniens.